Pour une prise en compte des services agro-écologiques de l'agriculture

Vers une nouvelle définition de l'optimum en agriculture

 

Dans le Contrat Agricole Européen qu'elle proposait il y a quelques années, la SAF (Société des Agriculteurs de France) militait pour une rémunération des prestations agro-écologiques de l'agriculture, qui tiendrait compte des actions en faveur des paysages, de la biodiversité, de la qualité de l'eau, et du maintien des zones de haute valeur naturelle. Au delà de sa fonction de "couverture" des besoins alimentaires de l'Union Européenne, l'agriculture pourrait être reconnue pour sa production de services, la SAF allant jusqu'à défendre son rôle en tant que "productrice d'eau potable", avec un certain sens de la formule.

Même s'il s'agit ici de la démarche d'un "think tank" agricole à destination de la commission européenne dans le contexte de la réforme de la PAC, nous pouvons aussi y saisir une forme de retour à la compréhension de la véritable nature des activités agricoles.

Quels enjeux apparaissent prioritaires pour l'agriculture aujourd'hui : produire plus, consommer moins, ou comme certains - de plus en plus nombreux - le prétendent, produire plus en consommant moins ? Tout ceci aurait de la valeur si l'agriculture n'avait que sa production de denrées agricoles à assurer, mais ce n'est pas le cas ! Il manque une dimension, et la reconnaissance des services agro-écologiques est une piste d'exploration très intéressante pour commencer à combler cette lacune.

Les services environnementaux que l'agriculture fournit ne sont habituellement pas dans le champ d'observation de ceux qui attendent d'abord un renforcement de la capacité du système à exporter des denrées en quantité croissante, et nous pouvons nous réjouir de cette irruption des services dans le débat très actuel sur la productivité et l'intensification écologique.

 

L'optimum agricole et alimentaire repose sur le rapport entre, d'un côté, les produits et services apportés par l'agriculture, et de l'autre, les impacts économiques, sociaux et environnementaux des filières agricoles et alimentaires

François Fuchs, Argument climatique

 

Mais tout ceci reste très optimiste et il faut rapidement reconnaître que l'agriculture est aussi capable de mettre en péril la qualité de l'environnement, de transformer les paysages d'une façon qui ne peut pas être jugée positive. Et nous aurions tort aussi de ne pas admettre qu'une agriculture qui se développe dans une région du monde peut indirectement mettre en danger une autre région agricole, proche ou lointaine, ou bien d'autres activités avec lesquelles elle rentre en conflit pour l'usage de l'eau, de l'espace, ou en raisons des effets secondaires des ses pratiques (ou du cycle de vie complet de ses produits) sur la qualité de l'environnement...

Qu'il s'agisse de "reconnaissance" ou de "rémunération", il y a des précautions à prendre au moment de juger du niveau d'efficacité des activités, des systèmes et des filières agricoles.

Dans leur contexte (naturel, économique et humain) les activités agricoles ne se caractériseraient-elles pas par une sorte d'optimum reposant sur trois composantes au moins ?

Cet optimum intégrerait :

  1. les volumes produits et leur qualité,
  2. les services apportés à court et long terme,
  3. le niveau de maîtrise de certains impacts directs et indirects, sur l'environnement et sur d'autres équilibres.

La connaissance du contexte et de ses variations inter-annuelles, notamment les aléas climatiques, doivent également être intégrés.

L'optimisation pourrait alors avoir plusieurs sens : dans certains cas il pourrait s'agir de produire moins pour se rapprocher des potentialités réelles du contexte (l'artificialisation avec le recours à la mécanisation et aux intrants générant des impacts), et dans d'autres la fourniture de services pourrait croître (à production agricole constante) au prix, pourquoi pas, d'une consommation plus grande d'espace et d'énergies renouvelables...

Le fait d'utiliser au maximum les fonctionnalités écologiques et biologiques des agro-écosystèmes constitue sans doute déjà un bon moyen d'optimiser, mais l'encadrement technique des agriculteurs a-t-il les moyens d'être convaincant sur ce terrain, et son public est-il réceptif dans le contexte économique que nous connaissons ?