Logo de Bio-allegations
 
Les allégations environnementales méritent d'être vérifiées. L'information indépendante doit permettre de déterminer quand la communication est sincère et quand elle ne l'est pas. Ceci vaut aussi pour les discours tenus sur l'agroécologie par les pouvoirs publics, les organisations professionnelles et les entreprises.

 

L'approche de Bio-allegations est plus particulièrement destinée aux professionnels des secteurs de l'agriculture et de l'alimentation.

Nous souhaitons ici leur apporter une information sur la connaissance des impacts environnementaux (et en termes de durabilité) des systèmes et des produits agricoles et alimentaires, ainsi que sur l'évolution des outils et méthodes d'analyse de ces impacts, et le décryptage des opérations de communication environnementale.

Nous proposons donc d'alimenter la réflexion et le débat sur l'actualité des projets qui cherchent à réconcilier écologie et économie, en présentant une analyse critique des initiatives et des communications affichant une ambition sur le plan environnemental dans les domaines de l'agriculture et de l'alimentation (volet "information environnementale sur les produits" en particulier).

Nous nous intéressons aux utilisations de l'Analyse de Cycle de Vie (ACV) dans les filières agricoles, ainsi qu'au développement de l'agroécologie dans les Groupements d'Intérêt Economique et Environnemental (GIEE).

 

 - Articles en cours de rédaction -

Par François Fuchs, le 27 juin 2020

Quelle évaluation pour l'agroécologie

Crédit photo : Fotolia - Recycle Reduce Reuse Eco Friendly Saving Go Green Concept © Rawpixel

Un projet de recherche de l'INRA SAD veut introduire une culture de l'évaluation dans les processus de transition vers l'agroécologie

 

L'agroécologie dans sa version récente – et bientôt considérée par les institutions comme agroécologie dominante et seule reconnue – est initialement liée à un impératif d'évaluation des performances écologiques et économiques qu'elle souhaite atteindre. En principe, elle passe par une étape de mesure de la double performance, constatant une progression cohérente et sans ambiguité (les efforts pour de meilleurs résultats écologiques ne détériorant pas la production et la rentabilité et réciproquement).

L'ambition de la démarche d'évaluation prévue au départ pourrait être revue à la baisse, au fur et à mesure que la mobilisation collective pour l'agroécologie entraîne avec elle de nouveaux projets et de nouveaux collectifs qui n'intègrent pas ce volet dans leur organisation.  Si elle est partiellement ou totalement oubliée, c'est à dire si les bienfaits de l'agroécologie ne sont pas vérifiés au terme d'une véritable analyse multi-critères*, il ne faut pas s'étonner de voir qu'une simple amélioration détectée sur le plan économique ou écologique peut "faire penser à" de l'agroécologie, et pousser ceux qui obtiennent cette amélioration sur leur exploitation agricole à qualifier d'agroécologique leur démarche et leur point d'arrivée.

Par exemple, si l'on conçoit bien que la transition à accomplir peut s'appuyer sur l'augmentation de la part fournie par les énergies renouvelables dans les consommations énergétiques des systèmes de production agricole, un projet reposant uniquement sur la méthanisation ou le solaire ne peut a priori pas être qualifié de projet agroécologique.

Pour ses nouveaux promoteurs, après l'impulsion donnée par le Ministère de l'agriculture, le terme "agroécologie" devient un élément de langage recouvrant des processus ou des réalisations très variées, dont les effets réels, notamment en ce qui concerne les impacts environnementaux, passent au second plan. Dans certains cas cependant – une autre logique est à l'œuvre ici – l'allégation "agroécologique" veut attester d'un ensemble de résultats quantitatifs et qualitatifs enregistrés à un instant t, en principe après qu'un effort ou un investissement particulier ait permis un changement de pratique ou de système.

Cette relative complexité (plusieurs niveaux d'évaluation, plusieurs seuils pour "entrer" dans l'agroécologie) appelle de toute évidence une réaffirmation des enjeux de l'évaluation de la double performance, et des modalités d'application de celle-ci (méthodes, outils, intervenants, interprétation des résultats, etc.).

 

Quel chemin vers la transparence sur les effets de la récente tentative de mobilisation collective pour l'agroécologie ?

 

Si nous n'avons pas connaissance qu'une telle dynamique soit engagée, en revanche, nous apprenons que l'INRA met en place un projet de recherche intitulé Obs-TAE (pour Observatoire Sociologique des Transitions Agro-Ecologiques) qui se préoccupe de rassembler d'autres observations. L'objectif d'Obs-TAE n'est pas de faire la transparence sur les gains d'efficacité réellement obtenus grâce aux changements de pratiques, mais d'analyser des "dynamiques en cours et des réseaux d'échanges" des collectifs lauréats de l'appel à projets Mobilisation Collective pour l'agroécologie du Ministère de l'agriculture. En faisant passer ces présupposés (des collectifs, des dynamiques, des réseaux, des échanges...) pour des faits établis constituant un objet de recherche scientifique, le département INRA SAD ne se montre pas trop circonspect et affiche d'emblée que d'une façon ou d'une autre, il faudra pouvoir communiquer sur une forme de "transformation profonde" irrésistiblement engagée dans les territoires...

L'Obs-TAE, quelles que soient ses conclusions, ne remettra pas en cause sa principale hypothèse de départ, à savoir qu'il existe un mouvement en cours porteur de transitions agroécologiques, et des collectifs d'acteurs directement en prise avec des démarches innovantes.

En voulant caractériser les transitions et les innovations, ainsi que les collectifs, les chercheurs engagés dans ce projet d'observatoire se proposent de révéler ce que "agro-écologie" veut dire. Ceci viendrait à redéfinir une notion à partir de ce que "nous autres" en avons fait, un procédé qui devrait en surprendre plus d'un.

Si Obs-TAE ne veut pas être une machine à cautionner la mobilisation collective pour l'agroécologie – dans un contexte, nous l'avons dit, où notre attention devrait logiquement porter sur la correspondance entre les effets annoncés et les effets constatés, avec un regard critique – il lui reste encore la possibilité de stimuler une entreprise de transparence sur les performances économiques et écologiques des actions menées sur le terrain. Suggérons à l'INRA de poser ce préalable et d'en faire une condition sine qua non pour toute analyse sincère de la tentative de transition vers l'agriculture durable déjà amorcée depuis au moins deux décennies dans notre pays.

Et que tous ceux et toutes celles qui s'intéressent à l'évaluation de la double performance et à la vérification du bien-fondé de l'allégation "agroécologique" (avec ou sans tiret) ne s'endorment pas !



* :  analyse qu'il faudrait encore préciser et diffuser.